Vivace & Troppo - le verre à l'état libre
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Exposition coproduite par la Ville de Bourges, l’École nationale supérieure d’art de Bourges et la Ville d’Amboise.
Présentation
Dans l’enceinte ronde du château d’eau • château d’art, tout de briques et de pierres, l’infinie richesse du médium verre éclate grâce aux œuvres choisies par Yves Sabourin. Invité par l’Ensa Bourges à prolonger une recherche sur le patrimoine verrier menée avec l’université de Tours et le CNRS à Orléans, ce grand spécialiste des relations entre art et artisanat a composé un paysage verrier inédit dans lequel s’harmonisent les arts plastiques et les techniques verrières, les œuvres d’artistes confirmé·e·s et celles de très jeunes artistes de l’Ensa Bourges, accompagné·e·s par Françoise Quardon.

« Quel que soit le territoire de la création, il nous faut laisser le verre ne se soucier de rien et proposer à l’artiste, au créateur et au verrier interprète de n’avoir qu’une règle : rendre l’impossible possible. » - Yves Sabourin (extrait du catalogue Vivace & Troppo)


> Lire le très bel article d’Annabelle Gugnon sur cette exposition paru sur le site d’artpress le 30 juillet 2020.

Lucile Lacape

Hybridation, 2019
pâte de verre, verre, plâtre, chaux, pierre et bois
fabrication Pierre Gallou, courtoisie Louise Melon et l’artiste

Le projet Hybridation, est un travail autour du savoir-faire et de ses techniques.

« Il y a dans les mains de ceux qui travaillent et dans la technique propre à leur art, une matière qui est au-delà des formes. »
Pascal Fauliot et Patrick Fischmann Contes des sages artisans : Le tisserand ingénieux, Éditions du Seuil, 2017

La rencontre entre matière, gestes vernaculaires et pratiques artisanales, génèrent des formes, jointes ou emboîtées les unes aux autres.

Hybridation, comme rendant compte de la coopération (faire ensemble), de la transmission (vers l’autre), ce liant entre mon imaginaire artistique avec mon expérience et pratiques de chantiers patrimoniaux. Ces formes sont issus d’un «alphabet» d’origine végétale et de plans de maçonnerie.

Lucile Lacape

The Makers, 2019
vidéo - 8:27 min
réalisation Lucile Lacape, Création sonore Claudio Crouzet, courtoisie l’artiste

The Makers, est une vidéo documentaire, dont les prises de vues ont été tournées à la verrerie d’Art d’Amboise Chargé et lors d’un colloque autour du plâtre. Les plans mettent en valeur les gestes, le rapport technique artisans / outils / machines, et évoquent en filigrane la transmission. Le son a été composé dans le même temps que le montage, ils se sont construits ensemble. La durée des plans combinée aux vibrations du son en donne une vision plus contemplative. Ceux qui font (the makers1) avec leurs savoir-faire et technique, leur gestuelle, leurs outils ainsi que la manipulation de la matière et de ses flux, interrogent la création et le faire.

1. Tim Ingold, Faire. Anthropologie, archéologie, art et architecture, Éditions Dehors 2017.

Françoise Quardon

L’Offrande du Cœur, 2014
verre soufflé, verre filé, verre, textile et bois
production CIAV Meisenthal, nouvelle présentation de l’artiste pour l’exposition, pièce unique dans série de 20 tirages, plus 4 E. A., courtoisie l’artiste

« Françoise se pose et guette. Le cœur bat (...). Ses rêves de verre s’élaborent jours après jours, traversent l’atmosphère et se posent sur terre. » (Yann Grienenberger)

L’Offrande du Cœur emprunte son titre à l’univers de la tapisserie et de l’amour courtois telles la Dame à la licorne et autres mille verdures.

Françoise Quardon

Crâneuse ! La carafe La Coupe, 2014
verre soufflé, moulé, verre
production CIAV Meisenthal, courtoisie l’artiste

À côté de l’amour de l’enfance et des contes, en mauvaise fille, Françoise Quardon a gardé celui des cours de récré où les petites princesses de pacotille rivalisent et s’apostrophent : « crâneuse ! ».

Une façon de se réapproprier la bienséante figure de la Vanité, devenue depuis quelques années un lieu commun de l’art contemporain.

Joëlle Forestier

Mettre du beurre dans les épinards, 2019
verre soufflé, verre et beurre, métal et bois
fabrication Pierre Gallou, courtoisie l’artiste

Mettre du beurre dans les épinards évoque une transformation chimique de la matière qui se détourne de la notion de temps et de durée. En effet, chacune des gouttes tombent en fonction de la liquéfaction du beurre contenue dans la cloche en verre soufflé puis viens décanter dans le tube à essais. Ce triptyque est composé de trois expériences qui s’écoulent simultanément.

Bahar Kocabey

Qeysiyan ji kulîlka min (traduction du kurde Les abricots de ma fleur), 2020
dimensions variables, verre soufflé et dessin encre de chine, verre
fabrication Pierre Gallou, courtoisie l’artiste

Aujourd’hui, au Bakur, le Kurdistan turc, l’abricot est devenu un symbole économique via l’agriculture d’abricotier dans la région de Meletî - Elazîz. La plupart des Kurdes habitants dans cette région, ont comme moyen de survie l’agriculture d’abricotier pour surpasser le mépris de l’existence du peuple kurde. Le fruit est devenu une lutte d’existence contre la destruction de l’identité et du paysage kurde.

Axel Decelle

Aspersorium,2020
maquette chapelle 3D, verre soufflé, impression 3D, verre et résine
fabrication Pierre Gallou, maquette imprimée Mose Sironneau, courtoisie l’artiste

“ Imaginez-vous dans un oratoire, voici son bénitier. Je ne vous demande pas de faire votre signe de croix mais plutôt de vous en débarrasser. Ici vous êtes libres de vos choix et de votre orientation. ”

Lors de la réalisation de ce projet j’étais entre autre en croisade avec moi même et la revendication de ma sexualité. Je souhaitais construire un lieu de culte en reprenant les codes de la religion chrétienne en y intégrant la communauté LGBTQIAA+.

Je souhaitais réaliser un grand oratoire fait avec une ossature en bois qui serait ouverte, sans murs. Autour de cette architecture je voulais jouer avec les ouvertures de l’ossature et intégrer d’autres pièces, comme une peinture de religieuses qui s’embrassent, ou des vitraux en résine avec des positions d’un kamasutra gay. Sexualiser l’espace avec pour pièce centrale la fontaine Bénitier.

Le bénitier est pour moi un moyen de déposer la sexualité plus subtilement dans l’espace, garder un objet emblématique autre que le Christ ou autres personnages bibliques et religieux et le transformer.

Pour la réalisation, j’ai choisis de partir avec uniquement des pièces de l’artiste verrier. Des pièces en verre qu’il possédait déjà dans l’atelier et dans l’espace d’exposition. Je souhaitais partir d’objets complètement « banals », du quotidien et mettre en avant la transformation par l’assemblage pour pouvoir obtenir quelque chose de complètement décalé mais sans être trop évocateur, le tout était de jouer dans la subtilité et presque dans le floral avec des rappels de semences masculines.

Clara Noseda

Bouteilles à la mer, 2019
4 pièces, verre soufflé et sablé, verre
fabrication Pierre Gallou, courtoisie l’artiste, le CIAV Meisenthal et Yann Grienenberger, pour le prêt du moule ayant permis la réalisation des œuvres

La terre : dévastée, inhabitable, évacuée, reste pourtant un lieu de mémoire important. Les vestiges du passé lui valent de régulières interventions archéologiques. Le cas repose ici sur une série de bouteille de verre qui attirent particulièrement notre attention de par les motifs mystérieux gravés à leur surface. La bouteille à la mer représente aussi, par force symbolique, un moyen de communication désespéré.

Les données restituées montrent un graphique datant du début du 21ème siècle, confrontant l’influence des facteurs naturels sur le climat, et l’impact grandissant des facteurs humains. La dimension d’urgence écologique est alors explorée à travers la nécessité de surpasser la censure médiatique : cette double lecture invoque la convergence des luttes, et pose un questionnement sur la permanence des pensées réactionnaires dans un monde qui pourtant appelle à la coopération.

Galerie
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Visite virtuelle en 360°
Interview de Françoise Quardon
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CLUB : Vous participez à Vivace & Troppo, le verre à l’état libre qui se tient au Château d’eau · Château d’art de Bourges cet été, qu’est-ce qui rend cette exposition particulière ?

Françoise Quardon : À l’origine de l’exposition Vivace et Troppo, le verre à l’état libre, il y a le projet de recherche Vivace, né d’une proposition de collaboration formulée par Nadia Pellerin (directrice de recherche du laboratoire CEHMTI / CNRS) à l’Ensa Bourges et son directeur Antoine Réguillon.

Cette collaboration s’inscrit dans une dynamique instaurée depuis plusieurs années à L’Ensa Bourges, dans une continuité de recherches menées autour de Ce que sait la main1 tant dans les domaines de la céramique, du bois et du métal, et plus récemment de la réouverture de l’atelier moulage et matériaux composites.

La singularité tient donc au travail de l’art effectué durant trois ans par cinq étudiant·e·s, Axel Decelle, Bahar Kocabey, Clara Noseda, Joëlle Forestier et Lucile Lacape toutes deux aujourd’hui jeunes artistes, en collaboration avec Pierre Gallou, souffleur de verre (Annie Duval / Verrerie d’Art Patrick Lepage / Chargé), pour la fabrication "à quatre mains" de leurs œuvres.
Sur la base du volontariat et de façon transversale, (de la première à la cinquième année), elles/ils ont expérimenté pendant trois ans les propriétés du médium verre, en l’interprétant par leur imaginaire créatif au croisement de l’innovation technique, scientifique et artistique.

Le travail avec Pierre Gallou, questionne de facto les liens entre l’art et l’artisanat, les limites des fantasmes des artistes par rapport à ce matériau fascinant, la complexité de la matière vivante qu’il faut "apprivoiser" et comprendre... Être verrier, c’est le travail et l’engagement d’une vie...

CLUB : Quel a été votre rôle dans cette exposition ?

F.Q : Je me tiens plutôt "en coulisses"...mon travail s’est essentiellement effectué à l’atelier pour la phase conception / réalisation, et en accompagnement dans les visites de musées et lieux de production associés.
Ne voulant pas fermer le projet, l’Ensa Bourges a confié le commissariat de l’exposition à Yves Sabourin, qui a rencontré plusieurs fois les étudiant·e·s pour travailler avec elles/eux, et a composé par son choix d’artistes, "un paysage verrier à la française", avec en ligne de fond la présence du corps, du souffle.
Alice Laguarda, une des autrices du catalogue, a également travaillé de façon plus théorique avec les étudiant·e·s en apportant son regard de critique d’art et d’architecture, et en ouvrant la réflexion vers des concepts politiques et utopiques.
L’iconographie pour le catalogue a été l’occasion, pour les étudiant·e·s qui le souhaitaient, de continuer à travailler à distance avec moi-même à la production des images, certaines pièces n’étant pas complètement finalisées, ou multiples, d’où la nécessité d’un montage pour en rendre toute la richesse.

CLUB : Avec plus de trente artistes qui présentent leurs œuvres, dont certains bien connus, comment se passe l'insertion de pièces de plus jeunes créateurs et créatrices ?

F.Q : C’est Yves Sabourin qui a créé la scénographie et le déroulé de l’exposition, les échos entre les œuvres et leur confrontation. Tous les artistes présent·e·s, sont ici une note de cette partition singulière.

CLUB : Et vous, quelle œuvre présentez-vous ?

F.Q : Trois œuvres de 2014, réalisées en résidence et produites par le CIAV / Meisenthal.
Deux font partie d’une série "Crâneuse !", pour laquelle nous avons travaillé dans l’expérimentation et l’invention avec les verriers.
J’ai beaucoup appris dans cet échange, et les liens continuent, puisque Yann Grienenberger a généreusement prêté un moule de la collection du CIAV pour la réalisation des pièces de Clara Noseda, et a été plus que de bon conseil dans la recherche de plâtre de fonderie pour la réalisation des pièces de Lucile Lacape.
La troisième est une réinterprétation de "L’Offrande du Cœur", un multiple présenté originellement dans un coffret et également réalisé au CIAV ; ici, il m’a paru nécessaire de lui donner le statut de sculpture recomposée, et non d’éléments dans un boîtier.

CLUB : Après septembre, que va devenir cette exposition ?

F.Q : Un autre volet est prévu en juillet 2021 au Centre d’art Le Garage à Amboise à proximité immédiate de la verrerie.
L’aventure de la fabrication a commencé à la verrerie à Amboise, la première exposition a lieu dans un lieu patrimonial à Bourges, le deuxième volet dans un lieu réhabiblité et à l’architecture très différente. De quoi déployer encore d’autres récits et possibles.

1- Richard Sennett, Ce que sait la main, éd. Albin Michel, 2010.
En proposant une définition de l’artisanat beaucoup plus large que celle de "travail manuel spécialisé", Richard Sennett soutient que le programmateur informatique, l’artiste, et même le simple parent ou le citoyen font œuvre d’artisans. Face à la dégradation actuelle des formes de travail, l’auteur met en valeur le savoir-faire de l’artisan, cœur, source et moteur d’une société où primeraient l’intérêt général et la coopération. Et tandis que l’histoire a dressé à tort des frontières entre la tête et la main, la pratique et la théorie, l’artisan et l’artiste, et que notre société souffre de cet héritage, Richard Sennett prouve que "Faire, c’est penser".
Axel Decelle
Axel Decelle a 26 ans. Il est étudiant à l’Ensa Bourges et serveur en parallèle de ses études. Il travaille énormément en volume et notamment sur des gros projets. Très investi dans ce qu’il fait, il aime conduire à bien ses idées.
Joëlle Forestier
Joëlle Forestier est née en 1994, à Charenton le pont (94).
Elle vit et travaille à Charenton-le-pont.

Nos objets du quotidien font partie de la future mémoire de notre société. À travers leurs témoignages, Joëlle Forestier manipule les récits par le moulage et les mots. Dans son laboratoire, elle peut jouer chimiquement avec la matière dans la quête d’une représentation sociologique « vous êtes ici ». À chaque instant T, les codes sociologiques se liquéfient quand soudain, une cristallisation possible existe, indice essentiel à notre future archéologie.

http://joelle.forestier.syntone.org/
https://www.instagram.com/joelleforestier/

Bahar Kocabey
D’origine du Bakur, Kurdistan de Turquie, Bahar Kocabey est née en 1995 à Romilly-sur-Seine. Elle vit et travaille entre Paris et Urzy.

Actuellement étudiante à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 3e année dans l’Atelier Stéphane Calais, elle est une ancienne étudiante de l’Ensa Bourges de 2015 à 2019 et a obtenu le DNA en 2018 avec les félicitations du jury.

Sa pratique plastique est centrée sur le portrait et le motif à travers le dessin, la peinture et la céramique. Ces médiums lui permettent d’évoquer un événement / une narration qui pourrait atteindre l’autre et qui ne resterait pas seulement sur la notion de l’autoportrait. Ils lui permettent aussi de mettre en valeur une culture qui est encore pensée comme subalterne à d’autres cultures. Ses pièces s’élaborent par assemblage, superposition ou substitution dans le but de créer une narration idyllique. Cependant, la disposition de celles-ci recrée des installations uniques et propose de nouvelles lectures tout en restant dans la même thématique.
Lucile Lacape
Lucile Lacape est une jeune artiste diplômée de l’Ecole supérieure d’art des Pyrénées à Pau puis de l’Ensa Bourges. Elle est née en 1995 à Talence (33). Elle vit actuellement à Bruxelles. Sa pratique puise dans les savoirs-faire et les techniques de la construction. Les matériaux utilisés sont hybridés avec des formes du vivant, ces savoirs ré-appropriés trouvent leur place dans des formes sculpturales ou des installations.
Clara Noseda
Après 3 ans à L'Ensa Bourges, Clara Noseda continue son parcours à Piet Zwart institut, Rotterdam, pour suivre le master "Experimental Publishing". Sa préoccupation en tant que jeune artiste et étudiante est de tenter de comprendre et de déconstruire les différents modes et formes qui structurent notre façon de recevoir et de partager l'information. Ses recherches sont motivées par le désir de questionner les "vérités" historiques et les potentiels futurs, et d'explorer comment différents médiums et médias peuvent travailler ensemble pour générer de nouveaux états d'esprit et de nouveaux paysages.
Sa pratique transdisciplinaire explore un large éventail de méthodes de recherche et de flux de travail, remettant en question les tensions et les espaces liés à l'émergence d'une civilisation post-digitale, et de plus en plus globale.