
Du 19 août au 26 septembre 2020
du lundi au vendredi de 15h à 19h
Transversale, lycée Alain Fournier
50 rue Stéphane Mallarmé, Bourges Commissariat d'Étienne Meignant, diplômé avec félicitations du jury de l'Ensa de Bourges Artistes : Arnaud Adami, Brodette, Wan Ting Fu, Pierre Grandclaude, Grégoire Messeri et Étienne Meignant
Réalisé dans le cadre de l’appel à projets « Culture, Patrimoine et Tourisme » avec le soutien de la Région Centre-Val de Loire.
Mais en pratique une classe ne SE tient pas sage. ON la tient sage. Reformuler les choses ainsi, c’est une façon de conjurer l’abstraction derrière laquelle le pouvoir tend à se dissimuler.
Car qu’il s’agisse de l’économie, de l’urbanisme, de la police, des emplois du temps, ou des lois, nous évoluons en permanence, et souvent sans les percevoir, au sein d’une multitude de dispositifs quasi-orthopédiques, conçus à la mesure de nos corps par des pouvoirs gestionnaires.
La discipline, l’autorité et le maintien de l’ordre sont donc des objets de réflexion qui occupent une place importante dans les recherches et les pratiques des artistes rassemblés dans cette exposition. En résulte l’omniprésence de la forme du corps dans les œuvres mises ici en perspective, même quand ce corps n’y est évoqué qu’en creux.

Wan Ting Fu
How can I become a correct student in the correct school ?, 2019,
impressions numériques, 14,8 x 21 cm chaque.

Wan Ting Fu
Comment s'asseoir correctement, 2019,
chêne.

Pierre Grandclaude
Voilà une classe qui se tient sage, 2019,
diptyque, stylo à bille noir sur papier canson, 48 x 53 cm chaque.

Brodette
Napperons brodés, 2018 - 2019,
napperons de récupération, fil à broder, dimensions variables.

Brodette
Napperons brodés, 2018 - 2019,
napperons de récupération, fil à broder, dimensions variables.

Brodette
Napperons brodés, 2018 - 2019,
napperons de récupération, fil à broder, dimensions variables.

Arnaud Adami
De gauche à droite :
Xavier, 2020,
huile sur toile, 60 x 40 cm.
Bilal, 2020,
huile sur toile, 60 x 40 cm.
Samuel, 2020,
huile sur toile, 60 x 40 cm.

Arnaud Adami
De gauche à droite :
Veste Deliveroo, 2019,
huile sur toile, 24 x 33 cm.
Sac Deliveroo, 2019,
huile sur toile, 24 x 33 cm.

Arnaud Adami
Casque Deliveroo, 2019,
huile sur toile, 24 x 33 cm.

Wan Ting Fu
Comment écrire correctement, 2019,
chêne, métal.

Brodette
Acte 3 - Paris
coton et organza sérigraphiés, fil de coton, fil à coudre, tissus appliqués.

Brodette
De gauche à droite :
Acte 4 - Paris (bis), 2020
Stop Amazon, 2020
Acte 68 - Saint Etienne, 2020,
broderies main, fil à broder DMC, fil à coudre, coton perlé, 9 x 10 cm.

Grégoire Messeri et Étienne Meignant
Le Jeu de la Nasse, 2020,
PVC, papier satiné, bois verni.


Fragments critiques,
photocopies.









Arnaud Adami s’intéresse au travail et aux travailleurs.
Ses peintures exposées ici entrent dans deux genres picturaux : le portrait et la nature morte.
Les portraits de travailleurs peints par Arnaud Adami nous donnent accès à une sphère quasi-intime. Ainsi, à l’opposé d’une redite d’une sorte de réalisme socialiste qui viserait à glorifier le travail et identifierait les travailleurs à leur travail, les portraits peints par Arnaud Adami nous montrent des individus qui pourraient tout à fait être reconnus par leurs proches. Seulement nous, nous ne les connaissons pas. Et les seuls éléments visuels auxquels nous pouvons nous raccrocher pour comprendre ces portraits ce sont les couleurs et le logo de l’entreprise pour laquelle ils travaillent. En l’occurrence : Deliveroo, entreprise phare de l’économie dite « ubérisée ». Et c’est alors une lecture sociologique de ces peintures qui se propose à nous. L’omniprésence des couleurs de l’entreprise rend saisissant le paradoxe de cette forme de travail où il est désormais possible pour une entreprise de faire porter un uniforme à un travailleur sans en être légalement l’employeur.
http://arnaudadami.fr/





Dans une démarche de subversion des arts textiles qui ont longtemps été un pilier de l’éducation des jeunes filles dans les sociétés les destinant à une vie purement domestique, Brodette emploie ces techniques et ces matériaux comme supports de revendication et de représentation.
Réemployé, le marquoir, petit carré blanc, brodé de lettrages et de petites illustrations servant originellement à démontrer l’habileté d’une femme à la broderie, devient le support d’une mémoire féministe des lois. Des textes de lois qui codifient ou ont codifié les droits sexuels et reproductifs des femmes, leur droit à se vêtir, leurs droits civiques, ou encore leur droit à une rémunération égale à celle de leur collègues masculins sont brodés sur des napperons de récupération et tracent ainsi les contours d’une lutte déjà longue où sont en jeu aussi bien des attitudes sociales que des fonctions vitales.
Vient ensuite la série des « violences policières ». Ces illustrations brodées reprennent des scènes de répression issues de l’actualité médiatique de l’année 2019. Leurs titres renvoient à la nomenclature adoptée par le mouvement dit des « Gilets Jaunes » : Acte 3 – Paris, Acte 4 – Paris, Acte 68 – Saint-Etienne. La reprise a posteriori de ces images contribue à les extraire du flux médiatique dans lequel elles ont été noyées. Ces reproductions manuelles et quasi-artisanales sont exposées ici dans un contexte où est proposée au débat parlementaire français l’interdiction de capter et de diffuser des images des forces de l’ordre « par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support ». Si l’on peut douter qu’une telle loi soit adoptée, on peut en revanche en tirer la certitude que le simple fait de montrer peut encore constituer un geste critique.
https://brodette.webnode.fr/



Wan Ting Fu s’applique à observer comment les corps s’imbriquent dans les dispositifs disciplinaires. Une grande partie de son travail porte sur le milieu scolaire et plus particulièrement sur les façons dont la discipline s’y exerce.
How can I become a correct student in the correct school ? est une collection de scénettes dessinées qu’elle tire de ses souvenirs d’adolescence lorsqu’elle était étudiante dans un lycée professionnel à Taïwan. Elle y dépeint avec humour une vie scolaire très stricte, organisée selon un emploi du temps surchargé et ponctuée de rituels nationalistes.
Avec Comment s’asseoir correctement l'artiste brouille la frontière entre l’équipement orthopédique et l’instrument de torture, une manière de pointer du doigt la façon dont les procédés coercitifs se présentent généralement comme des mesures bienveillantes. Elle réalise une chaise à la taille d’un enfant, équipée d’une multitude d’attaches, de guides et de soutiens, qui servent à maintenir les membres de l’enfant qui y est installé dans une posture réglée mécaniquement.
Cet intérêt pour la disposition des corps l’a amenée à quadriller l’espace d’exposition à l’aide de bandes de ruban adhésif placées au sol. À l’origine pensée comme une façon de traduire dans l’espace un quadrillage disciplinaire plus abstrait, cette grille tracée au sol trouve désormais un écho troublant dans les mesures dites « de distanciation sociale » employées dans les établissements scolaires.
http://fu.wan-ting.syntone.org/

En s’attachant à comprendre comment sont élaborés les récits, quelles parties des événements vécus en sont retenues et quelles dimensions en sont repoussées dans les angles morts de l’Histoire, Pierre Grandclaude produit des images où s’agglomèrent plusieurs points de vue. Cependant ces images ne prétendent pas à l’omniscience ou à la neutralité, c’est justement dans la dissonance qu’elles dégagent une certaine poésie.
Avec son diptyque intitulé Voilà une classe qui se tient sage, il reprend non seulement les mots du policier, mais aussi dans une certaine mesure son point de vue. Ces deux dessins réalisés case par case selon une grille, et non pas comme une composition d’ensemble, sont des assemblages de plusieurs arrêts sur image extraits d’une vidéo filmée à titre personnel par un policier. La simple existence de cette vidéo constitue une infraction au code de procédure pénale puisqu’elle montre entravés et menottés des individus qui ne font l’objet d’aucune condamnation. Se pose donc la question de ce qui peut motiver la captation et la mise en circulation décomplexée de telles images de soumission par leur auteur.
https://pierregrandclaude.com/

Grégoire Messeri a développé une pratique artistique qui fait la part belle au détournement et au réemploi d’objets de la vie courante à d’autres fins. Dans un univers où hypothétiquement l’économie se serait effondrée, les objets perdent leur statut et sont remis en jeu simplement sur la base de leurs propriétés matérielles. Une tour d’ordinateur devient une serre abritant un bonzaï, le tambour d’une machine à laver devient la roue à aubes d’un cinéma-radeau destiné à se déplacer sur des cours d’eau, des bâtons de ski en aluminium deviennent une antenne de télé.
Étienne Meignant s’emploie généralement à extraire de leur contexte les mots et les images produites par le pouvoir. Il s’intéresse à l’économie marchande, à l’absurdité de sa violence, à la cybernétique et au maintien de l’ordre.
Grégoire Messeri et Étienne Meignant sont diplômés de l’ENSA Bourges, respectivement en 2018 et 2019. Le Jeu de la Nasse est le fruit de leur première collaboration. Ce jeu de stratégie tient son nom d’un procédé de maintien de l’ordre apparu au milieu des années 80. Une nasse consiste à former un enclos humain constitué de cordons de police afin d’encadrer une foule. Cette technique policière est extrêmement controversée car elle est souvent comparable dans la pratique à une forme de détention arbitraire. Sous forme de jeu de plateau, Grégoire Messeri et Étienne Meignant questionnent le lien entre le maintien de l’ordre et l’urbanisme. La ville y apparaît comme une grille au sein de laquelle se déploient d’une part des stratégies de contrôle et d’autre part des stratégies de fuite.
https://www.instagram.com/gregoire_messeri/
https://etiennemeignant.wordpress.com/